Former des enseignants compétents en Amérique latine
Le personnel enseignant a la parole : motivation, compétences et opportunités pour enseigner l’éducation au développement durable et à la citoyenneté mondiale
Dans quels pays les enseignants les plus qualifiés et expérimentés exercent-ils dans les établissements les plus difficiles ?
Les enseignants ont besoin de formation et de soutien, et pas seulement d’une connexion Internet, pour assurer un enseignement à distance de qualité
Cet article se fonde sur les résultats du rapport Apprentissage à distance et formation des enseignants – Leçons tirées des Caraïbes, publié récemment par l’Équipe spéciale sur les enseignants. Il a été rédigé par Anna C. Conover, consultante.
L’enseignement et l’apprentissage à distance ont rapidement pris de l’ampleur depuis la pandémie de COVID-19 et les premières fermetures d’écoles en 2020. Cette transition a mis en évidence la grande fracture numérique qui existe dans de nombreux pays où l’accès universel a été rendu impossible par un manque d’accès aux appareils électroniques, aux contenus en ligne et à une connexion Internet. Tout aussi cruciale, la transition a mis en lumière la nécessité de mieux former les enseignants aux compétences numériques et aux compétences pédagogiques associées.
Cependant, malgré ce besoin urgent, les ministères de l’Éducation de nombreux pays en sont seulement à l’intégration des normes et des compétences liées aux technologies de l’information et de la communication dans leurs politiques relatives aux enseignants. En outre, les programmes traditionnels de formation des enseignants n’abordent pas toujours suffisamment les compétences numériques et les compétences pédagogiques liées à ce domaine, que ce soit dans le cadre de la formation initiale ou dans le cadre de la formation professionnelle continue.
La formation des enseignants peut contribuer à améliorer l’expérience de l’apprentissage à distance pour les apprenants et les enseignants
Afin de répondre à la demande de formation à l’apprentissage à distance et à l’intégration des technologies dans les petits États insulaires en développement (PEID) des Caraïbes, le projet d’enseignement à distance et de formation des enseignants dans les PEID des Caraïbes a été créé afin de renforcer les capacités des systèmes éducatifs nationaux. L’Équipe spéciale sur les enseignants, la Coalition mondiale pour l’éducation de l’UNESCO, Blackboard, le Centre caribéen pour la planification de l’éducation, le bureau de l’UNICEF en Jamaïque et le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement ont collaboré afin d’élaborer, de mettre en œuvre et de suivre ce programme.
Ce programme, qui s’appuie sur le projet pilote Développement professionnel des enseignants pour l’apprentissage mixte et les stratégies en ligne lancé en 2020, a été créé afin de renforcer les compétences numériques des enseignants ainsi que leurs compétences pédagogiques dans ce domaine. Le programme a suivi une approche holistique et adaptée au contexte pour renforcer la capacité des enseignants à garantir que les élèves les plus vulnérables ne soient pas laissés pour compte pendant la crise.
Le projet visait à relever plusieurs défis, notamment à maintenir les niveaux de mobilisation et d’interaction lors de l’apprentissage, à transformer des contenus en formats adaptés à l’apprentissage en ligne, à relever les défis liés à la gestion des écoles, comme le respect des horaires scolaires, et à travailler auprès d’étudiants aux besoins différents. Le soutien apporté dans ces domaines a également permis de se pencher sur le bien-être psychosocial des enseignants. En effet, le passage abrupt à l’enseignement en ligne a perturbé les vies professionnelle et privée des enseignants, entraînant de nombreux bouleversements émotionnels et incertitudes.
Une formation élaborée avec soin, des supports éducatifs modulables et une communauté solidaire sont essentiels à un apprentissage efficace
Le programme a permis de tirer une leçon clé : il est primordial d’appliquer des normes exigeantes pour la conception et le contenu des programmes d’études, et de garantir d’importantes capacités de collaboration et de mise en œuvre. Les plateformes en ligne et les systèmes de gestion de l’apprentissage doivent être intuitifs et faciles d’utilisation, les cours doivent prévoir différentes formes d’interaction et d’échanges entre les étudiants et les enseignants, et il convient de consacrer du temps et un espace à la collaboration, à la réflexion et à l’expérimentation. Puisque la participation des parents est essentielle au bon fonctionnement de l’apprentissage à distance, les cours doivent comprendre des guides pour les parents, ainsi que des moyens fiables leur permettant de communiquer avec les enseignants.
L’une des tâches les plus chronophages et complexes pour les enseignants qui passent à l’apprentissage à distance est de préparer et d’adapter les supports éducatifs. Les formations des enseignants devraient donc comprendre des guides sur les outils à utiliser afin de faciliter leur travail, par exemple des exercices interactifs permettant d’évaluer les apprenants à distance. Si possible, les programmes devraient utiliser des supports disponibles en open source, ou mentionner explicitement les conditions liées aux droits d’auteur lorsque cela est nécessaire, afin de faciliter leur déploiement à grande échelle et de permettre aux enseignants de les réutiliser plusieurs fois.
Les enseignants qui ont participé au programme de formation ont particulièrement aimé faire partie d’une communauté de pratique, car cela leur a permis de prendre contact avec des experts de l’enseignement à distance, mais aussi avec d’autres enseignants se trouvant dans des situations similaires, dans leur pays et dans leur région. Ce sentiment d’appartenance à un réseau de soutien et leurs compétences récemment acquises ont renforcé leur confiance professionnelle et personnelle et les ont poussés à utiliser les technologies numériques et les compétences associées dans leurs classes.
La formation des enseignants à l’enseignement à distance doit préparer les enseignants à créer des environnements d’apprentissage inclusifs en ligne
L’éducation inclusive doit être l’une des priorités de l’apprentissage à distance. Même si ce type d’apprentissage restreint les interactions entre les enseignants et les étudiants (puisqu’il limite, par exemple, les communications plus spontanées et gestuelles), il peut aussi représenter une occasion de promouvoir l’inclusion. Il est essentiel d’élaborer les cours en gardant en tête leur accessibilité afin de créer des environnements d’apprentissage inclusifs. Par exemple, afin de répondre aux besoins des apprenants présentant un handicap, il convient de prévoir plusieurs manières pour les participants d’accéder aux supports éducatifs et de participer aux cours. Il est par exemple possible de proposer des discussions asynchrones* ou synchrones** ainsi que des méthodes multimodales (visuelles, orales, textuelles, etc.) pour transmettre les informations, et de proposer des contenus téléchargeables et des contenus en direct.
Dans les contextes multilingues, il est essentiel de s’adapter aux besoins linguistiques des enseignants. Dans le programme relatif aux PEID, le contenu des cours était souvent disponible uniquement en français et en anglais. Cependant, afin de permettre aux participants de mener des discussions dans la langue dans laquelle ils sont les plus à l’aise, les animateurs doivent leur permettre de créer des sous-groupes en ligne afin qu’ils puissent participer en utilisant une autre langue.
La flexibilité est un élément clé de la planification de la formation des enseignants
La formation à l’enseignement en ligne destinée aux enseignants doit être flexible ; en effet, les enseignants ont souvent plusieurs tâches, parfois imprévues, à gérer. Le contenu des cours, le rythme et les tâches doivent être adaptés tout au long du programme en fonction des besoins changeants des participants. Cet aspect est particulièrement important lors de situations d’urgence. Pour garantir la transparence de l’accréditation et entretenir la motivation des enseignants, les cours doivent s’adapter à leurs contraintes temporelles et leur offrir différents niveaux de certification et de micro-certificats portant sur des compétences spécifiques aux technologies de l’information et de la communication.
Une planification minutieuse qui tient compte des calendriers scolaires et des besoins d’accessibilité des enseignants et l’organisation de bonnes campagnes de communication sont essentielles pour garantir une participation importante et la présence durable des enseignants lors de la formation. L’inscription doit être facile et accessible en ligne et ne doit pas poser de difficultés particulières. De manière générale, les formations dédiées aux enseignants ne doivent pas être prévues au début ou à la fin de l’année scolaire, car il s’agit de périodes durant lesquelles les enseignants sont très occupés. Il faut également éviter les vacances d’été, pendant lesquelles de nombreux enseignants ne sont pas disponibles.
Les partenariats jouent un rôle important dans l’élaboration de programmes de formation à l’enseignement à distance
Les partenariats sont particulièrement importants dans le cadre de l’enseignement à distance, car celui-ci exige de maîtriser d’importants savoir-faire et de disposer de nombreuses ressources, notamment d’appareils coûteux, d’une bonne connexion Internet, de logiciels éducatifs, de ressources éducatives libres, ainsi que d’une expérience pédagogique et organisationnelle. Étant donné que l’accessibilité à une connexion Internet et la disponibilité des appareils constituent souvent un obstacle à l’éducation en ligne, les gouvernements et les parties prenantes devraient développer des partenariats avec les entreprises technologiques et les fournisseurs d’accès à Internet afin d’identifier des solutions, tout en veillant à ce que la sécurité des données et la vie privée des participants soient respectées.
Les technologies éducatives se sont révélées très utiles pour assurer la continuité de l’éducation dans les situations d’urgence. De plus en plus présentes dans toutes les sociétés, elles font également partie des outils de base nécessaires pour participer pleinement à la vie de notre monde contemporain. Cependant, il ne servira à rien d’investir dans ces technologies si nous n’investissons pas dans les compétences numériques et pédagogiques des enseignants. La formation initiale et continue des enseignants doit donc être repensée afin d’intégrer ces compétences et ces technologies. Les enseignants, qui ont vécu en première ligne les difficultés liées à l’enseignement à distance, mais également les possibilités qu’il offre, doivent participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi de l’apprentissage à distance et de l’intégration de ces technologies. Ils doivent donc être au cœur de la transformation générale de l’éducation.
Glossaire
*Apprentissage en ligne asynchrone : Enseignement et apprentissage qui se déroulent en ligne à un moment différent de celui où l’enseignant dispense ses cours.
*Apprentissage en ligne synchrone : Enseignement et apprentissage qui se déroulent en ligne au même moment, mais pas au même endroit que les enseignants et/ou les autres apprenants.
Crédit photo : Abir Roy Barman/Shutterstock.com
Transformer notre compréhension des enseignant.e.s réfugié.e.s et de l’enseignement dans les contextes de déplacement forcé
Chris Henderson, coprésident de la Inter-agency Network for Education in Emergencies (INEE) Teachers in Crisis Contexts (TiCC) Working Group et Teachers College, Columbia University.
Dans les zones d’installation de populations réfugiées, les enseignant.e.s contribuent plus que tout autre facteur scolaire à l’apprentissage et au bien-être des enfants. Les enseignant.e.s réfugié.e.s sont en outre armés de solides connaissances locales et d’une volonté d’améliorer la réponse aux crises, ainsi que les résultats sur le plan de la sortie de crise. Pourtant, malgré leur rôle crucial et le contexte difficile dans lequel ils assurent la continuité de l’apprentissage, les enseignant.e.s réfugié.e.s ne reçoivent pas toujours le soutien dont il.elle.s ont besoin.
Bien que visibles auprès des acteurs du secteur de l’éducation dans le domaine humanitaire, il.elle.s continuent d’être largement ignorés dans les examens sectoriels des systèmes éducatifs nationaux qui orientent la planification pluriannuelle de l’éducation, ainsi que dans les budgets qui prennent en compte les besoins des enseignant.e.s. Il convient donc d’accorder une plus grande attention aux difficultés que ces enseignant.e.s rencontrent et de les inclure dans les plans visant à la réalisation de l’ODD 4.
Des conditions d’enseignement difficiles
Les enseignant.e.s travaillant dans les zones abritant des populations réfugiées sont confronté.e.s à des conditions de travail particulièrement éprouvantes. En effet, les régions où les personnes réfugiées sont autorisées à s’installer sont souvent dépourvues de salles de classe adéquates, de matériel pédagogique et d’autres ressources de base. Les salles de classe sont plus susceptibles d’être surpeuplées, multi-âges, multi-aptitudes et multilingues, surtout dans les premières années, lorsque sont enseignées les compétences de base en matière de lecture, d’écriture et de calcul. Les enseignant.e.s sont souvent obligé.e.s d’enseigner par roulement, couvrant moins de matière en moins de temps, avec des attentes moindres en termes de résultats d’apprentissage. Il.elle.s peuvent également être amené.e.s à enseigner des matières dans une deuxième ou troisième langue, ou à recourir à des méthodes pédagogiques hybrides.
Par ailleurs, les enseignant.e.s réfugié.e.s travaillent avec des enfants et des jeunes qui ont vécu ou ont été témoins des souffrances aiguës et chroniques de leurs familles et de leurs proches. Ces enfants et ces jeunes sont plus susceptibles de présenter des troubles de l’apprentissage ou du comportement liés non seulement à l’interruption de leur éducation, mais aussi aux difficultés qu’il.elle.s rencontrent au quotidien.
Manque de possibilités de formation
Là où des opportunités de développement professionnel avant et pendant le service existent pour les enseignant.e.s réfugié.e.s, elles tendent à être sporadiques et de qualité variable. La diversité des acteurs non étatiques qui apportent un soutien à la gestion et au développement des enseignant.e.s dans des contextes de déplacement forcé limite également les réponses prévisibles et durables aux besoins professionnels, personnels et familiaux des enseignant.e.s.
Un parcours professionnel incertain
La plupart des enseignant.e.s réfugié.e.s vivent là où leur droit à la protection internationale est reconnu, ce qui signifie, en somme, qu’il.elle.s ont le droit de ne pas être renvoyés de force dans leur pays d’origine. Or, la protection des personnes réfugiées ne garantit pas nécessairement la reconnaissance des qualifications pour l’emploi, ni l’accès à des opportunités de développement professionnel continu lorsque les enseignant.e.s ne sont pas diplômé.e.s ou sont sous-qualifié.e.s.
Il est temps de reconnaître le rôle des enseignant.e.s réfugié.e.s
Il nous arrive si souvent de défendre la cause des enseignant.e.s et de rendre hommage à leur travail. Pourtant, en tant que responsables politiques et professionnel.le.s du secteur humanitaire, nous nous devons de joindre la parole à l’acte et de respecter notre engagement envers la profession en réimaginant et en transformant notre compréhension commune des enseignant.e.s et de la valeur de leur travail dans les contextes d’accueil de personnes réfugiées. Sans un soutien et une reconnaissance suffisants des enseignant.e.s réfugié.e.s, l’accès à l’éducation et les résultats d’apprentissage des enfants touchés par le déplacement forcé resteront précaires et l’objectif 4 des ODD ne sera pas atteint.
Il est donc temps d’accorder aux enseignant.e.s réfugié.e.s le statut et les conditions qu’il.elle.s méritent et dont il.elle.s ont désespérément besoin ; il est temps de donner une visibilité aux enseignant.e.s réfugié.e.s. Un mouvement vers l’inclusion des personnes réfugiées au sein des systèmes éducatifs nationaux suite à l’adoption du Pacte mondial sur les réfugiés (GCR) en 2018 offre une opportunité d’action. Il s’agit d’accorder un soutien prévisible et durable pour les enseignant.e.s réfugié.e.s, un développement professionnel continu et l’accès à des conditions de travail équitables et décentes.
Vers une compréhension commune des enseignant.e.s dans les contextes d’accueil de réfugié.e.s
Afin d’inclure les points ci-dessus à l’ordre du jour de la Piste d’action 3 – enseignants, enseignement et profession enseignante – du Sommet « Transformer l’éducation », et d’œuvrer en faveur d’une compréhension commune des enseignant.e.s et de l’enseignement dans les contextes d’accueil des réfugiés, le HCR, l’INEE et l’Internationale de l’Éducation (IE) organiseront conjointement une réunion dans le cadre du prochain pré-Sommet « Transformer l’éducation » à Paris.
Nous réunirons les représentant.e.s de gouvernements, des Nations Unies, des organisations internationales non gouvernementales et des organisations de la société civile aux côtés d’enseignant.e.s et de jeunes réfugié.e.s du Tchad, du Kenya et du Venezuela pour discuter et débattre des défis suivants :
- Qui considérons-nous comme des « enseignant.e.s » dans les contextes d’accueil des réfugié.e.s ? De nouvelles définitions et conditions préalables à l’entrée dans la profession pourraient-elles constituer une partie de la solution à la pénurie mondiale d’enseignant.e.s ?
- Comment, le cas échéant, reconnaître et régulariser les enseignant.e.s communautaires et réfugié.e.s comme partie intégrante du corps enseignant professionnel dans les contextes d’accueil des réfugié.e.s ?
- Quelles sont les limites ou les obstacles des cadres juridiques et des mécanismes de financement actuels, et quelles sont les approches innovantes qui existent pour surmonter les difficultés de financement ?
Cette session sera également l’occasion de donner la parole aux enseignant.e.s et aux jeunes réfugié.e.s afin de leur permettre de partager leurs expériences et de contribuer à l’élaboration d’un programme de transformation des services d’éducation dans les contextes de crise à l’échelle mondiale.
L’un des principaux résultats de cette réunion consistera en un ensemble de recommandations, élaborées par les facilitateur.rice.s de la réunion représentant l’INEE, le HCR et l’IE, et soumises à l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030 en vue de leur examen et leur inclusion dans les déclarations ultérieures du sommet Transformer l’éducation relatives à la Piste d’action 3.
Nous vous invitons à participer en personne ou via webcast à cette importante réunion qui se tiendra le jeudi 30 juin de 13h00 à 15h00 CET. Nous avons besoin de votre voix pour rendre visibles et mettre en valeur les enseignant.e.s réfugié.e.s lors du sommet Transformer l’éducation qui se tiendra à New York en septembre.
Pour plus de détails, veuillez consulter le programme du pré-sommet ici.
Crédit photo: M'Bera refugee camp, Mauritania. EU/ECHO/José Cendón
Sommet sur la transformation de l’éducation 2022
Publié le 22-06-2022 sur la plateforme Penseurs des Émirats
À la mi-septembre prochaine se tiendra le Sommet sur la transformation de l’éducation 2022, auquel sont conviés de nombreux chefs d’État, au siège de l’Organisation des Nations Unies à New York. En amont de cette réunion internationale, les ministres de l’Éducation se réuniront fin juin au siège de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à Paris afin de préparer le Sommet, qui définira les priorités dans le domaine éducatif et pédagogique, ainsi que les différentes dimensions du processus éducatif au niveau mondial.
Des groupes de travail ont été mandatés pour coordonner les efforts et les préparatifs en vue de l’organisation de cet évènement mondial. En tant que membre du Comité sur les conventions et les recommandations qui seront présentées au Sommet, je passerai en revue dans cet article le déroulement des travaux préliminaires du Comité, ainsi que ses principaux axes.
Tout d’abord, l’importance du Sommet pour la transformation de l’éducation 2022 réside dans les nouveaux défis auxquels le secteur de l’éducation est confronté à l’échelle mondiale. Les conséquences de la pandémie de COVID-19 auxquelles ont dû faire face les pays et les gouvernements, ainsi que l’utilisation accrue des technologies d’enseignement à distance pendant la pandémie, ont eu une incidence sur le système éducatif. À quoi ressemblera l’éducation future ? Quels sont les principaux défis auxquels elle est confrontée dans le monde ? Ce sont les principaux thèmes du prochain sommet, qui s’articulent autour de cinq grands axes thématiques :
- Axe thématique 1 : les écoles inclusives, équitables, sûres et saines. En d’autres termes, il s’agit de favoriser un environnement éducatif sain et sûr qui tient compte de l’égalité des genres dans l’enseignement, garantit un apprentissage adéquat pendant les catastrophes et les crises mondiales, et satisfait aux conditions d’intégration des enfants handicapés dans l’enseignement public et dans des centres de réhabilitation adaptés à leurs besoins. L’environnement scolaire doit tenir compte des conditions de santé de la population générale et garantir aux élèves une alimentation saine qui réalise le principe « un esprit sain dans un corps sain ».
- Axe thématique 2 : l’apprentissage et les compétences pour la vie, le travail et le développement durable. Cet axe porte sur les connaissances et les compétences clés de la vie, qui vont au-delà des compétences nécessaires au marché du travail, notamment les compétences liées à la création d’emplois qui réalisent le développement durable.
- Axe thématique 3 : les enseignants, l’enseignement et la profession enseignante. Cet axe traite des pénuries d’enseignants dans le monde, du niveau de professionnalisme qui leur ait demandé, ainsi que de leur formation et de leur perfectionnement continus tout au long de l’exercice de leur métier. En d’autres termes, il s’agit de leur offrir un environnement de travail approprié, en plus d’encourager les dirigeants éducatifs à promouvoir la création et l’innovation.
- Axe thématique 4 : l’apprentissage et la transformation numériques. Cet axe s’intéresse aux questions liées à la transformation numérique de l’école, ainsi qu’aux moyens de fournir un enseignement numérique à tous, en mettant notamment des ressources gratuites à disposition des apprenants, tout en garantissant la sécurité de l’enseignement numérique, le droit à la vie privée et la sécurité des élèves dans le cadre de l’utilisation des technologies (principes de la citoyenneté numérique).
- Axe thématique 5 : le financement de l’éducation. Cet axe porte sur l’allocation de budgets adéquats pour l’éducation dans tous les pays du monde. La réalisation des objectifs visés par chacun de ces axes dépend fortement de la disponibilité de budgets adéquats. Il est essentiel que les fonds consacrés à l’éducation soient alloués à ce secteur et non à d’autres domaines qui ne bénéficient pas aux étudiants. Comme le dit le proverbe, « si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ».
Ainsi, le Sommet sur la transformation de l’éducation 2022, avec ses cinq axes, définit les prochaines étapes du développement de l’éducation à l’échelle mondiale, et représente une occasion importante de réimaginer l’éducation et d’en accélérer les progrès pour réaliser les objectifs de développement durable.
Enseignants et perfectionnement professionnel des enseignants pour un nouvel apprentissage. Analyse documentaire
Sommet Transforming Education – deuxième consultation publique sur le document de travail sur les enseignants
Dans la préparation du sommet Transforming Education 2022, deux consultations publiques sont organisées dans le cadre de la piste d'action thématique 3 sur "Les enseignants, l'enseignement et la profession enseignante".
La première consultation mondiale tenue le 24 mai a donné lieu à une discussion sur le projet de document de travail et s'est concentrée sur les pénuries d'enseignants, les conditions de travail et la préparation des enseignants et la formation et le développement du leadership des enseignants.
La deuxième consultation approfondira ces sujets et se concentrera sur deux questions :
- Quelles pratiques nationales, régionales et internationales ont réussi à relever ces défis ? Lesquelles peuvent être étendues pour être recommandées en tant qu'initiatives mondiales ?
- Quelles initiatives, partenariats et coalitions existants ou futurs possibles peuvent être développés pour apporter la transformation que nous recherchons ?
La piste d'action thématique 3 du Sommet Transformer l'éducation sur « Les enseignants, l'enseignement et la profession enseignante » abordera les questions clés suivantes : (a) remédier aux pénuries d'enseignants ; (b) améliorer les conditions de travail et professionnelles des enseignants ; (c) améliorer la préparation et la formation des enseignants et (d) favoriser le leadership des enseignants. Il identifiera les interventions politiques réussies, compilera un catalogue de bonnes pratiques pour inspirer et, surtout, mobilisera la communauté mondiale de l'éducation pour prendre des engagements concrets et agir, en s'appuyant si possible sur les initiatives, partenariats et coalitions existants.
Il est dirigé par des représentants de deux États membres (Nigéria et Roumanie) et l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030 qui a été officiellement désignée comme co-responsables de cette piste d'action. Le travail de la piste d'action est soutenu par l'équipe d'appui des Nations Unies, composée de l'Organisation internationale du travail (ancre) et de l'UNESCO (suppléant), de l'UNICEF, du HCR, de l'UNRWA et de la Banque mondiale.
Repenser l’avenir : renforcer les capacités de recherche et de collaboration des enseignants au moyen d’une réforme du programme de formation des enseignants
Cet article de blog a été rédigé par Maria Teresa Tatto de l’Arizona State University et a été préparé pour le Secrétariat de l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030. Il a été initialement publié sur le site Futures of Education Ideas Lab le 23 mai 2022.
Les perturbations mondiales, qu’elles soient technologiques, économiques, sociales ou écologiques, représentent un défi en matière d’éducation durable. Pour relever ce défi, il faut repenser la façon d’organiser et de dispenser l’enseignement. En réponse, la Commission internationale sur Les futurs de l’éducation a produit un rapport essentiel, intitulé Repenser nos futurs ensemble : un nouveau contrat social pour l’éducation, qui regroupe des contributions fournies par des élèves, des enseignants, des gouvernements et la société civile. Dans un esprit d’optimisme et d’exploration du champ des possibles, le rapport appelle les sociétés à agir de toute urgence pour orienter la transformation de l’éducation, maintenant et à l’avenir.
Le rôle des enseignants pour repenser l’éducation
Le rapport met en avant le rôle transformateur et central que jouent les enseignants pour repenser l’éducation. En effet, ils contribuent à incarner la pédagogie et les programmes d’études et jouent également le rôle de médiateurs dans les opportunités d'éducation vers l’inclusion et le développement durable. Le rapport incite à renforcer l’enseignement en tant que profession et appelle les enseignants à « assumer leurs fonctions » des manières suivantes :
- en travaillant de manière collaborative pour fournir à chaque élève le soutien dont il a besoin pour apprendre ;
- en mettant en œuvre programme d'études à l’aide de pédagogies participatives et coopératives tout en gérant la technologie numérique ; et
- en menant des recherches éducatives pour réfléchir à leurs pratiques et produire des connaissances.
Pour aider les enseignants à jouer ce rôle central, le rapport préconise que le développement professionnel des enseignants soit un continuum riche et dynamique d’apprentissage et d’expériences. Il appelle à la solidarité publique concernant les changements plus que nécessaires à apporter aux politiques relatives à la sélection, à la préparation, aux parcours professionnels et à l’organisation des enseignants et de la profession enseignante.
L’enseignement en tant que profession collaborative et fondée sur des recherches
Les priorités définies par le rapport de la Commission sont louables et urgentes. Cependant, d’autres éléments de considération pourraient lui apporter une nuance supplémentaire, si on leur accordait plus d’importance. Le rapport pourrait relever que les programmes de formation des enseignants devront être réformés pour mieux les aligner sur les nouvelles attentes relatives aux connaissances et aux rôles des enseignants. Il est aussi important de reconnaître que l’enseignement est par nature collaboratif, et le rôle des élèves dans cette collaboration devrait être pris en compte. Par ailleurs, il convient de réfléchir davantage à ce qui est nécessaire pour préparer correctement les enseignants à jouer un rôle essentiel dans la production de connaissances et la recherche éducative.
Réformer le programme de formation des enseignants
À juste titre, le rapport recommande que les enseignants travaillent plus souvent en équipe, participent davantage à la production de connaissances, à la réflexion et à la recherche, et prennent part au débat public, au dialogue et à la politique éducative. Cependant, pour y parvenir, un examen transnational approfondi des programmes de formation des enseignants peut s’avérer nécessaire Un tel examen pourrait contribuer à définir quelles sont les possibilités d’apprentissage qui existent dans les programmes de formation des enseignants et qui peuvent soutenir l’autonomie et la solidarité des enseignants en tant que nouveau fondement dans des pays différents. La recherche peut illustrer en quoi, où et si les enseignants futurs et actuels sont prêts à s’impliquer profondément dans ces travaux critiques pendant leur formation initiale, leur développement professionnel continu et au-delà. Parmi les exemples encourageants, on peut citer les approches testées empiriquement dans des contextes en développement, telles que la Escuela Nueva Activa (ENA) et d’autres modèles d’apprentissage actif comme les classes inversées.
En outre, étant donné que les enseignants doivent se préparer à intégrer tout un éventail de nouvelles compétences dans leurs profils professionnels, une attention accrue doit être portée à d’autres formes de soutien aux enseignants. Par exemple, pour remettre en question les listes prescriptives de « choses à faire » qui, par le passé, ont caractérisé les politiques enseignantes descendantes, les enseignants doivent être en capacité d’utiliser leur voix, leur autonomie et le dialogue social par l’intermédiaire de leurs représentants ou syndicats officiels. De plus en plus, les enseignants doivent jouer un rôle de premier plan en tant qu’administrateurs et professionnels en matière d’autonomie pédagogique, de recherche et de participation publique.
Reconnaître l’importance de la collaboration entre les enseignants et les élèves
Par définition, l’enseignement n’a jamais été une pratique solitaire. En général, les enseignants collaborent non seulement entre eux mais aussi avec leurs élèves. Une étude précédente montre que l’enseignement est par nature interactif et collaboratif avec les élèves. Tous les enseignants ne gèrent pas cette ressource avec efficacité, mais un enseignement réussi passe par le respect de normes de bonne pratique telles que « obtenir et maintenir l’ordre dans la classe ainsi qu’une activité ciblée, éveiller l’attention et l’intérêt des élèves, veiller à ce que les élèves sachent ce qu’ils doivent faire, à ce qu’ils comprennent le contenu des leçons, etc. »[1]. Tout en reconnaissant l’importance de la collaboration entre les enseignants, le rapport ne tient pas compte des élèves en tant que ressource fondamentale et passe à côté d’une constatation importante : les élèves peuvent s’enseigner les uns aux autres et s’évaluer mutuellement et le font souvent, améliorant ainsi la réussite académique. Des enseignants compétents peuvent utiliser des évaluations formatives pour soutenir cette pratique, créant ainsi de véritables communautés d’apprentissage dans leurs classes. Cet aspect de l’éducation pourrait devenir une autre dimension du nouveau contrat social pour l’éducation : soutenir l’autonomie des élèves dans leur apprentissage ainsi que la collaboration avec les enseignants et les autres élèves pour favoriser de meilleurs réseaux d’apprentissage plus larges.
Renforcer les capacités de recherche des enseignants
Il est également essentiel de mener une recherche collaborative à l’échelle mondiale, dans laquelle des enseignants, des formateurs d’enseignants et des chercheurs de différentes disciplines explorent divers modèles éducatifs. cette recherche devraient constituer une première étape en vue de mettre en œuvre un nouveau contrat social pour l’éducation. Il conviendrait de mettre l’accent sur la recherche-action en classe pour un changement dirigé par les acteurs et qui serait efficace : ce terme fait référence à des méthodes de recherche évaluatives, d’enquête et analytiques conçues pour diagnostiquer des problèmes ou des failles et aider les éducateurs à élaborer des solutions concrètes. En parallèle, les enseignants doivent aussi participer davantage aux recherches académiques systématiques afin d’assurer un contrôle approprié et de permettre aux éducateurs d’influencer les politiques. Étant donné que ces deux types de recherches sont essentiels pour aider les professionnels, y compris les enseignants, à repenser un avenir meilleur pour l’éducation, il est crucial de renforcer les capacités des professionnels à mener des recherches-action et des recherches systématiques. Ces compétences sont différentes de celles nécessaires pour garantir un enseignement réfléchi, mais elles ne seront pas moins indispensables au travail professionnel des enseignants en vue de développer des pratiques d’enseignement souples et adaptées au contexte.
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