This blog has originally been published on 17 October 2022, on the Global Partnership for Education website.
En ce début d’année scolaire dans nombre de pays, les médias font état d'une pénurie d'enseignants, les éducateurs les plus dévoués et les plus passionnés se lassant du manque de soutien, de ressources et de reconnaissance à leur égard. Un nouveau rapport examine les tendances dans la profession enseignante dans le monde et formule des recommandations pour améliorer la situation.
Selon les derniers calculs effectués par l’Équipe spéciale internationale sur les Enseignants pour Éducation 2030 et l'UNESCO, publiés à l'occasion de la Journée mondiale des enseignants, des données récentes montrent que l'Afrique subsaharienne à elle seule devrait recruter 16,5 millions d'enseignants supplémentaires pour atteindre les objectifs d'éducation d'ici 2030.
Cela signifie que 5,4 millions de nouveaux enseignants sont nécessaires dans le primaire et 11,1 millions dans le secondaire, pour pouvoir répondre aux besoins de la population croissante d'âge scolaire dans la région et limiter le nombre croissant d'enfants non scolarisés.
Les pays de la région du Sahel, notamment les pays comme le Niger et le Tchad, sont dans une situation particulièrement critique et doivent doubler leurs effectifs d'enseignants du primaire pour atteindre ces objectifs.
En Asie du Sud, malgré des progrès dans certains pays, on note tout de même un déficit substantiel de 7 millions d'enseignants : 1,7 million d'enseignants seront nécessaires dans le primaire et 5,3 millions dans le secondaire. Il s'agit néanmoins d'une réduction considérable par rapport aux projections antérieures.
La faible projection concernant les enseignants du primaire peut être attribuée aux progrès en matière d'éducation primaire universelle au Bangladesh et en Inde, ainsi qu'à la baisse des taux de natalité.
Ailleurs dans la région, en Afghanistan et au Pakistan par exemple, le taux de croissance annuel des enseignants du primaire devrait augmenter d'environ 50 % ou de plus de 10 % par an pour parvenir à l'éducation primaire universelle d'ici 2030.
Les pénuries d'enseignants ne concernent pas uniquement le monde en développement. Elles touchent également des pays comme l'Australie, la Chine, l'Estonie, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, le Japon, la Malaisie, les Pays-Bas et bien d'autres.
La COVID-19 n'a fait qu'exacerber la crise actuelle du recrutement des enseignants
La pandémie de COVID-19 est en partie responsable de ce problème : leur santé fragile et le stress lié à la pandémie ayant poussé nombre d’enseignants à démissionner. Cependant, nous savons que la COVID-19 n'était que le point de basculement et n’a fait qu’aggraver une situation déjà problématique avant la pandémie.
Les enseignants quittant la profession – l'attrition des enseignants – est une préoccupation majeure à laquelle est confrontée la profession et qui a de sérieuses répercussions sur l'apprentissage.
Un article (en anglais) du Guardian rapporte que 44 % des enseignants en Angleterre envisagent de démissionner au cours des cinq prochaines années, la plupart blâmant leur lourde charge de travail. Une enquête (en anglais) auprès de 8 600 enseignants en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, a également révélé que plus de la moitié des enseignants interrogés envisageaient de quitter la profession dans les cinq prochaines années.
L'attrition des enseignants a de nombreuses causes, notamment un manque d'incitations financières, de mauvaises conditions de travail, des charges de travail élevées, un manque de préparation, une faible autonomie, un soutien administratif inadéquat, des salles de classe mal conçues et un manque de ressources pédagogiques.
L'émigration à la recherche de meilleures opportunités est également une cause d'attrition. En France, une étude récente a révélé que, dans les années 1980, un enseignant débutant gagnait 2,3 fois le salaire minimum. Aujourd'hui, cela équivaut à seulement 1,2 fois le salaire minimum.
Dans les régions mal desservies et les contextes de crise, les conditions d'enseignement déjà difficiles sont aggravées par un manque de qualifications et d'opportunités de développement professionnel pour les enseignants ; et par des méthodes inéquitables de déploiement qui consistent à affecter les enseignants les moins qualifiés et les moins expérimentés dans les régions où les meilleurs sont nécessaires.
Une action urgente est nécessaire pour résoudre cette crise
Certains pays mettent en œuvre des solutions à court terme en s'attaquant aux symptômes plutôt qu'aux causes de ces démissions d'enseignants. Certaines écoles aux États-Unis d'Amérique (en anglais) proposent aux élèves de suivre deux cours de la même matière en une année et augmentent la charge de travail des enseignants laissés de côté, tandis que d'autres réduisent les niveaux d’exigence (en anglais) et emploient des enseignants moins qualifiés.
Pendant ce temps, certains pays adoptent des stratégies de recrutement controversées, notamment le recours accru à des enseignants contractuels. En Italie, par exemple, où les enseignants sont en moyenne parmi les plus âgés de la région, 150 000 postes d'enseignants ont déjà été pourvus par des enseignants contractuels.
Pour aider à inverser cette tendance et apporter une solution à cette crise mondiale, les auteurs de cette étude, conformément aux récentes consultations mondiales organisées dans le cadre du Sommet sur la Transformation de l'éducation, recommandent aux gouvernements de :
- Améliorer le statut professionnel et social des enseignants pour attirer davantage de personnes dans la profession, notamment en renforçant le dialogue social et la participation des enseignants à la prise des décisions relatives à l'éducation ;
- Formuler et mettre en œuvre des politiques enseignantes qui calculent et chiffrent les besoins d'expansion du personnel enseignant et intègrent progressivement les enseignants contractuels dans la fonction publique, tout en améliorant les conditions contractuelles ;
- Améliorer le financement des enseignants grâce à des stratégies nationales de réforme intégrées et à une gouvernance efficace, en allouant 4 à 6 % du PIB ou 15 à 20 % des dépenses publiques à l'éducation ;
- Veiller à ce que les salaires des enseignants soient compétitifs comparés à ceux d'autres professions exigeant des niveaux de qualification similaires ; et inclure des incitations à rester dans la profession en fonction de l'expérience et des qualifications, tout en leur offrant des possibilités de mobilité verticale et horizontale tout au long de leur carrière ;
- Promouvoir l'égalité des genres dans la profession enseignante et lutter contre les préjugés sexistes à différents niveaux d'éducation et spécialisations, en aidant les femmes à assumer des rôles de leadership ;
- Développer des processus de qualification et d'accréditation plus flexibles qui permettent de multiples points d'entrée pour attirer des candidats supplémentaires dans la profession tout en maintenant des normes de qualité.
Crédit photo : GPE/Kelley Lynch. M. Ibrahim, psychologue à l'Ecole Normale Saâdou Galadima de Niamey au Niger, avec des élèves professeurs.